Anouchka Sooriamoorthy, philosophe mauricienne, et Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International, débattent dans les colonnes du Figaro autour de cette question difficile, toujours terriblement d’actualité. Extraits.
Anouchka Sooriamoorthy, considère que « continuer les voyages dans les pays qui ne respectent pas les droits humains, c’est peut-être se faire les complices silencieux de ce qui s’y passe. Mais arrêter, c’est peut-être aussi apporter une sorte de double condamnation à ces populations qui subissent déjà les conséquences de régimes politiques inhumains. »
Agnès Callamard appelle pour sa part « à un tourisme informé, éclairé. Si un touriste décide de partir dans un pays où les violations sont massives, qu’il s’interroge alors sur la façon dont il pourrait en être témoin, qu’il veille à ce que ses activités n’y contribuent pas, qu’il ne descende pas dans un bel hôtel ou un joli centre touristique créé sur le territoire de populations, notamment indigènes, forcées d’en partir. »
Par ailleurs, Agnès Callamard évoque Israël et les territoires occupés. Pour elle, « quand un touriste se rend en Cisjordanie, il contribue directement à une violation du droit international, à une occupation illégale et à un régime fondé sur l’apartheid. Les autorités israéliennes ont favorisé le développement du tourisme dans les Territoires occupés. Airbnb et TripAdvisor en font la promotion, en tirent des profits, et font des touristes non éclairés des complices. » Elle nuance cependant : « En ce qui concerne les Territoires occupés, les murs physiques et mentaux sont tellement présents qu’un touriste non éclairé n’aura aucune idée de ce qui s’y passe. Je ne me permettrais jamais de suggérer qu’on ne peut pas partir en vacances en Israël. Mais, si vous le faites, alors prenez le temps d’aller dans les territoires occupés ou les villages de Bédouins avec une organisation qui va vous montrer leur réalité. »
Anouchka Sooriamoorthy enfonce le clou : « Il y aurait presque ce que l’on pourrait appeler un tourisme de résistance, l’inverse d’un tourisme de masse. En tant que voyageur, on n’a pas à endosser l’histoire, le fardeau du pays, mais qu’on n’y connaisse rien, qu’on ne comprenne pas pourquoi les gens sont là, est quelque chose qui m’a toujours choquée. »
NB